Je peux affirmer que le verre a toujours fait partie de ma vie. Sa rencontre, dès ma première enfance, dans la verrerie abandonnée de mon village de pêcheurs aux portes des calanques de Marseille, me semble, aujourd’hui, l’ouverture à une vision du monde qui allait déterminer un long parcours en forme de questionnement incessant.
Les blocs du grand four de fusion ont déterminé ma fascination pour le verre massif ; la présence de ces « pierres de verre » a précisé une esthétique qui sera présente constamment dans mes recherches. Je suis venu sur la scène du verre contemporain en proposant des images brutales, barbares, chaotiques.
Au cœur de cette confrontation particulière de la forme et de la matière, j’ai projeté une rêverie nourrie au monde méditerranéen qui était et demeure ma nourriture intellectuelle et spirituelle. Au large du village, les plongeurs du commandant Cousteau fouillaient un site marin et ramenèrent à la surface la cargaison d’un navire antique. Amphores, coupes, vaisselle émouvante et intacte ….. Le temps effacé ressurgissait peu à peu de l’oubli. Je découvrais que l’on pouvait sortir de la mer des fragments de mémoire. Il aura suffi de la rencontre avec le feu pour que tous ces éléments puissent entrer en synergie et révèlent ma trajectoire artistique.
Après tant d’années de recherches, je sais qu’un artiste est un être tout à fait commun qui a rencontré son médium, élaboré son propos, déterminer son écriture….Et surtout, a su vivre son passage à l’acte.
Tant d’esprits talentueux, cultivés, sensibles restent aux portes de la création !
Nous n’en finirons pas de construire des écoles d’art qui engendreront des générations de praticiens, de techniciens et d’experts en tout genre. Mais où fabrique t on les artistes ?
Les portes de la création sont irrémédiablement mystérieuses et complexes, elles s’ouvrent au bout d’un long couloir existentiel dont on ne pourra jamais faire l’économie.
Alors j’ai poussé ma porte et j’ai lentement, à la manière des plongeurs de Cousteau, ramené mes amphores et ma cargaison enfouie. Elle avait la couleur de la mer et de l’abîme ; elle disait dans la lumière du présent, une histoire ancienne qui reprenait vie. Mon travail est enraciné, il met en place un récit qui se déploie dans l’instant pour mieux révéler les coulisses d’un théâtre intérieur.
Et si la création ne se résumait finalement qu’à une poignante fidélité à notre enfance ?
Raymond Martinez